Etablissement Sajaà
Vous souhaitez réagir à ce message ? Créez un compte en quelques clics ou connectez-vous pour continuer.
Etablissement Sajaà

Sajaà Français Langue Etrangére
 
PortailAccueilGalerieDernières imagesS'enregistrerConnexion
Forum
Navigation
 Portail
 Index
 Membres
 Profil
 FAQ
 Rechercher
Derniers sujets
» lui wafaaet idriss
Le rêve de l’Éden et la raison Icon_minitimeJeu 21 Jan - 17:03 par sajaa

» piece theatrale lui
Le rêve de l’Éden et la raison Icon_minitimeJeu 21 Jan - 16:51 par sajaa

» SUITES ACTIVIT2S
Le rêve de l’Éden et la raison Icon_minitimeSam 25 Juil - 15:47 par sajaa

» Discour des résponsable de la bibliothégue
Le rêve de l’Éden et la raison Icon_minitimeSam 25 Juil - 15:44 par sajaa

» scout TADLA BIBLIOTHEGUE
Le rêve de l’Éden et la raison Icon_minitimeSam 25 Juil - 15:35 par sajaa

» scout Kasba Tadla
Le rêve de l’Éden et la raison Icon_minitimeSam 25 Juil - 15:32 par sajaa

» Scout Belgique et scout Kasba tadla
Le rêve de l’Éden et la raison Icon_minitimeVen 3 Juil - 22:59 par sajaa

» Assala tadla
Le rêve de l’Éden et la raison Icon_minitimeDim 7 Juin - 18:57 par sajaa

» sajaà thèatre Kasbah Tadla
Le rêve de l’Éden et la raison Icon_minitimeMar 3 Mar - 22:39 par sajaa

Rechercher
 
 

Résultats par :
 
Rechercher Recherche avancée
Le Deal du moment :
PNY – Carte graphique – GeForce™ RTX ...
Voir le deal
984.99 €

 

 Le rêve de l’Éden et la raison

Aller en bas 
AuteurMessage
sajaa
Admin
sajaa


Nombre de messages : 95
Date d'inscription : 20/06/2008

Le rêve de l’Éden et la raison Empty
MessageSujet: Le rêve de l’Éden et la raison   Le rêve de l’Éden et la raison Icon_minitimeMer 22 Oct - 21:04

Le rêve de l’Éden et la raison

Mais où conduit le rêve évangélique de l'action salvifique ? Au paradis d'innocence ici‑bas. L'Utopie de More vient animer les constructions ubiquistes de la raison aux dernières pages de Gargantua. L'abbaye de Thélème édénise les songes de la cité idéale, celle d'un humanisme qui aurait conquis la liberté et le bonheur dans le monachisme des premiers siècles.

L'inscription qui surmonte l'entrée de l'abbaye : « Cy n'entrez pas, hypocrites bigots... » remonte à une tradition des anciens Grecs qui interdisaient l'accès des temples et des sanctuaires à certaines catégories de gens. C'est dans cet esprit que Platon avait inscrit au portail de son Académie le célèbre avertissement : « Que personne n'entre ici s'il n'est géomètre! » Le cardinal Bessarion, auteur d'un célèbre ouvrage en grec sur Platon (1469), avait fait connaître à nouveau – par une source arabe – à Marsile Ficin et à l'académie de Florence, cette inscription oubliée. Thélème est donc une abbaye pleine de réminiscences platoniciennes ; on y retrouve les grandes utopies de la République. On sait, du reste, que Rabelais possédait une édition complète de Platon.

Le mot de thelema (volonté) est à entendre dans le sens optimiste d'une grâce naturelle et universelle, héritée des Pères grecs et même de saint Augustin, qui écrit : « Un seul et bref précepte t'est donné : aime ; et fais ce que tu veux ; que la racine de l'amour soit intérieure, car, de cette racine, ne peut surgir que le bien » (commentaire à I Jean, IV, 9, in Tract. VII, VIII). Les humanistes de la Renaissance ont donc retrouvé à sa source, chez Platon, l'édénisme de la raison occidentale, et son angélisme larvé, qui nourrira la théologie et la philosophie des « lumières naturelles », même chez Pascal, et conduira au « culte des lumières » chez les « rationaux » de la fin du XVIIe siècle, avant de pénétrer la raison universelle dont se nourrissait aussi bien la Déclaration des droits de l'homme que l'objectivité de la science classique, qui la transmirent aux démocraties idéales modernes, derniers avatars du néoplatonisme. « Fais ce que voudras, parce que gens libres, bien nés, bien instruits, conversant en compagnies honnêtes ont par nature un instinct et aiguillon qui toujours les pousse à faits vertueux et retiré de vice, lequel ils nomment honneur. » Le rapport entre idéologie et violence demeure donc masqué, faute d'une anthropologie des figures de la raison, faute d'une ontologie du miroir et du leurre. La guerre picrocholine va recommencer à grand bruit.

Naturellement, on s'ennuie à mourir dans cette abbaye. Les Thélémites sont les moutons de Panurge de la grâce naturelle. « Rabelais nous montre les ébats de ses religieux, mais c'est en les déplaçant par bonds collectifs, avec une raideur de pantins » (Rigolot). La confiance en la grâce naturelle conduit à l'automatisme de la cité parfaite. En mettant l'accent sur les rapports de la raison idéale avec l'utopie, et de l'utopie avec le grégarisme, Rabelais introduit à une anthropologie critique des idéalités dans la théologie ; et, par là même, à une transpsychanalyse du rapport de l'idée à l'idole, et de l'idole à l'automate.

Ainsi, par-delà l'apologie de Thélème, lieu de l'optimisme chrétien, et berceau des raideurs futures de la pensée, Rabelais rejoint une ontologie des niveaux de l'être et débouche sur la plus belle énigme, celle qui achève le Gargantua sur les hauteurs. Car au fondement de cette humanité angéliquement et naïvement surélevée dans le miroir de ses idéalités meurtrières, donc « aux fondements de l'abbaye, en une grande lame de bronze », une prophétie fut découverte. On y lit notamment :

Alors auront non moindre autorité

Hommes sans foi que gens de vérité :

Car tous suivront la créance et étude

De l'ignorante et sotte multitude

Dont le plus lours sera reçu pour juge.

Ultime recours au miroir – celui de Merlin de Saint‑Gelais mêlé de saint Marc – et pourtant, décisif franchissement du spéculaire : voici le dernier « objet du langage » du Gargantua, celui qui illustre le haussement du christianisme humaniste à une sorte de surréalisme ontologique. Car le moine demande aussitôt à Gargantua : « Que pensez‑vous en votre entendement être par cette énigme désigné et signifié ? » Gargantua invoque le « décours » et le « maintien » de la vérité « haute et divine ». Mais le moine ramène les mystères spirituels au niveau des règles du jeu de paume, qui symbolisent ici la théologie de la palestre, avec ses « règles judaïques » et ses rites : « De ma part je n'y pense autre sens enclos qu'une description du jeu de paume sous obscures paroles. Les suborneurs des gens sont les faiseurs de parties, qui sont ordinairement amis, et, après les deux chasses faites, sort hors le jeu celui qui y était et l'autre y entre. On croit le premier, qui dit si l'éteuf est sus ou sous la corde. Les eaux sont les sueurs. Les cordes des raquettes sont faites de boyaux de moutons et de chèvres ; la machine ronde est la pelote ou l'éteuf. »

Ainsi, à la prophétie, il est répondu sur l'heure, puisque celle-ci s'accomplit sous nos yeux un instant seulement après avoir été prononcée. Le règne de la « ré‑flexion » moderne commence : elle se sidère à se considérer au miroir, elle s'interprète elle-même tautologiquement, à l'aide de la sophistique et de la scolastique où sa propre structure lui sert de réflecteur. Elle est frappée de cécité anthropologique. Ce sera précisément le jeu de paume du style qu'évoquera Pascal décrivant l'écriture du point de vue de l'arithmétique de sa propre efficacité sur les joueurs : « Qu'on ne me dise pas que je n'ai rien dit de nouveau : la disposition des matières est nouvelle ; quand on joue à la paume, c'est une même balle dont joue l'un et l'autre, mais l'un la place mieux. »

L'anthropologie des figures de la raison

Les nouveaux Janotus de Bragmardo ont cerné d'avance l'enceinte formelle, le jeu de paume dialectique ou thématique du savoir par eux déclaré historique « sus ou sous la corde ». Mais, en vérité, les pèlerins mangés en salade s'interpréteront désormais eux-mêmes selon la symbolique de la salade – car l'homme ne quitte pas le symbole, et ce n'est jamais que la taille des géants qui change.

Et pourtant, le miracle ne cesse de se perpétuer dans son magnificat éternel de la paternité : car les docteurs du nouveau jeu de paume, voici que le miroir rabelaisien continue de réfléchir leur guerre, comme il réfléchissait les joueurs sanglants du jeu de paume précédent.

Marxiste ? Chrétien ? Mécréant ? Le marxiste, le chrétien, le mécréant, les voilà livrés à leur autoportrait délirant sitôt qu'ils s'exercent au jeu de paume logomachique avec l'oeuvre de Rabelais. Spectacle pantagruélique et inénarrable ! Si l'on enferme Rabelais dans les chambres bien rangées du savoir – nomenclatures et inventaires sociologiques – , voilà que les pensées des penseurs prennent corps et se montrent courant tout ensanglantées par les rues.

D'où parle donc Rabelais ? Du non‑lieu qu'est l'anthropologie fondamentale des figures sanglantes de l'esprit. Son oeuvre est le miroir gigantal des corporalités cérébrales. Les joueurs à la pelote se demandent en vain où il habite. Il habite le non‑lieu abyssal d'où le corps humain se donne à voir réfléchi dans les « corps » guerriers de sa parole. Là les corps, en leur langage, sont l’expression de leur choix ontologique, de leur oscillation entre l'Éden sanglant et l'éveil. Ce lieu‑là, seuls l'habitent les plus grands.

L'obéissance est le chien du chef‑d'oeuvre

Mais, dira‑t‑on, comment Rabelais a‑t‑il donc élaboré « en vue de toute Europe » ce miroir ontologique du leurre, ce prodigieux « réfléchi » de la finitude meurtrière, « cette insigne fable et tragique comédie » (prologue du Tiers Livre) ? Par l'obéissance, dirait‑on. Rabelais serait‑il cet écrivain prodigieux qui consentit humblement à transformer son propre corps en instrument dérélictionnel et triomphal du langage diogénique ? Qui entra en sa parole gigantale au point de devenir un autre en son tonneau ? Rabelais a suivi, semble‑t‑il, sa parole dans le tout et dans le rien, dans la matière fécale et dans l'esprit, en tous lieux honnêtes et déshonnêtes, ne reculant devant aucune exploration de la matière, homme‑latrines et homme‑dieu, Panourgos de l'écrit, panthéiste de la parole! Joyce et Henry Miller seuls retrouveront cette obéissance totale d'un corps assumant le destin d'une gestuelle de l'écriture au coeur de la matière, tout en gardant la « praeclare lanterne » de l'éveil.

L'oeuvre de Rabelais, comme celle de Cervantès ou de Dante, est un évangile en ce qu'elle renvoie le lecteur à lui‑même. Telle est sa « bonne nouvelle ». C'est pourquoi, loin de tenter de se hausser au-dessus de l'obéissance de Rabelais à sa parole, on a tenté seulement de se ranger un instant parmi les serviteurs de Cana versant le vin pantagruélique, imitant en cela le kuôn, le chien que Rabelais veut être quand il baratte son tonneau diogénique (prologue du Tiers Livre). Car, que fait un chien « rencontrant os médullaire » ? « C'est, comme dit Platon [La République, liv. II] la bête du monde la plus philosophe. Si vu l'avez, vous avez pu noter de quelle dévotion il le guette, de quel soin il le garde, de quelle ferveur il le tient, de quelle prudence il l'entomme, de quelle affection il le brise et de quelle diligence il le suce. Qui l'induit à ce faire? Quel est l'espoir de son étude ? Quel bien prétend‑il ? Rien plus qu'un peu de moelle. Vrai est que ce peu plus est délicieux que le beaucoup de toutes autres, pour ce que la moelle est aliment élaboré à perfection de nature » (Prologue de Gargantua).

Ultime miroir de Rabelais : voici qu'il divise tout lecteur entre les singes se grattant la tête (ou courant en tous sens) et « la bête du monde la plus philosophe », celle qui se fait le chien du chef‑d'oeuvre.



Bibliographie

F. RABELAIS, OEuvres éd. critique (inachevée) A. Lefranc, J. Boulenger, H. Clouzot et al., vol. I et II : Gargantua, vol. III et IV : Pantagruel, vol. V : Tiers Livre, vol. VI : Quart Livre (chap. I‑XVII), 4 t. en 6 vol., vol. I à V, Paris, 1912‑1931, vol. VI, Genève‑Lille, 1955 / OEuvres complètes, J. Boulenger et Scheler éd., coll. La Pléiade, Gallimard, Paris, 1965 ; dans la série T.L.F., Droz, Genève : Pantagruel, Saulnier éd., 1946 ; Gargantua, R. Calder et M.‑A. Screech éd., 1970 ; Tiers Livre, ibid., 1963 ; Quart Livre, Marichal éd., 1947 ; Pantagrueline Prognostication, M.‑A. Screech éd., 1974.

Notes bibliographies

in F. RABELAIS, OEuvres complètes, coll. La Pléiade, 1955 / in L. FEBVRE, Le Problème de l'incroyance au XVIe siècle; la religion de Rabelais, Paris, 1942, rééd. 1968 / Revue des études rabelaisiennes, Paris, 1903‑1912, devenue ensuite Revue du XVIe siècle, puis, en 1933, Humanisme et Renaissance / V. L. SAULNIER, «Position actuelle des problèmes rabelaisiens », in Actes du congrès de Tours et de Poitiers, Paris, 1953.

Érasme et Rabelais

L. DELARUELLE, « Ce que Rabelais doit à Érasme et à Budé » , in Revue d'histoire littéraire, 1904 / A. HEULHARD, Une lettre fameuse, Rabelais à Érasme, Paris, 1904 / R. LEBÈGUE, « Rabelais, the last of the french erasmians », in Journal of the Warburg and Courtault Institutes, t. XII, 1949 / M.‑A. SCREECH, L’Évangélisme de Rabelais , Droz, 1959 / W. F. SMITH, « Rabelais et Erasme », in Revue des études rabelaisiennes, vol. VI, 1908.

Théologie d Érasme

G. CHANTRAINE, « Le Musterion » érasmien et la « Philosophie du Christ » (très important), Louvain, 1971 / E. W. KOHLS, Die Theologie des Erasmus, Bâle, 1966 / M.‑A. SCREECH, Ecstasy and the Praise of Folly, Duckworth, Londres, 1981.

Études critiques

M. BAKHTINE L'OEuvre de F. Rabelais et la culture populaire au Moyen Âge et sous la Renaissance, Gallimard, 1970, rééd. coll. Tel, 1982 (original russe, Moscou, 1965) / M. BUTOR, « Rabelais et les hiéroglyphes », in Saggi e ricerche di letteratura francese, Pise, 1968 / M. DE DIÉGUEZ Rabelais par lui-même, Paris, 1960 / C. G. JUNG, C. KERÉNYL & P. RADIN, Le Fripon divin, Genève, 1958 / A. J. KRAILSHEIMER, Rabelais and the Franciscans, Oxford, 1963 / M. LAZARD, Rabelais et la Renaissance, coll. Que sais‑je ?, P.U.F., Paris, 1979 / F. RIGOLOT, « Les Langages de Rabelais », in Études rabelaisiennes, t. X, Genève, 1972 / M.A. SCREECH, Rabelaisien Marriage, Amolck, Londres, 1958 ; Rabelais, Duckworth, Londres, 1980 ; Rabelais (Wege der Forschung, t. CCLXXXIV), A. Buck éd., Darmstadt, 1973 / L. SPITZER, Die Wortbildung als stilistisches Mittel bei Rabelais, Halle, 1910 ; « Le Prétendu Réalisme de Rabelais », in Modern Philology, vol. XXXVII, no 2, 1939‑1940.
Revenir en haut Aller en bas
https://f-l-e.forumgaming.fr
 
Le rêve de l’Éden et la raison
Revenir en haut 
Page 1 sur 1

Permission de ce forum:Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
Etablissement Sajaà  :: Sajaà :: Littérature-
Sauter vers:  
Ne ratez plus aucun deal !
Abonnez-vous pour recevoir par notification une sélection des meilleurs deals chaque jour.
IgnorerAutoriser