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 Après le bruit, le silence

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sajaa
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sajaa


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Après le bruit, le silence Empty
MessageSujet: Après le bruit, le silence   Après le bruit, le silence Icon_minitimeMer 22 Oct - 21:01

« harpyes satyres, oisons bridés, lièvres cornus » et autres formes de la loi. L'intérieur du silène convie à une exploration du silène.

Après le bruit, le silence

Alors Panurge, médiateur des rapports de Rabelais au langage, prend le relais de Pantagruel, en vue d'une dernière initiation du fils. Car un « grand clerc d'Angleterre », dénommé Thaumaste (par allusion aux thaumasioi andrès qu'évoque Socrate), veut disputer avec Pantagruel « par signes seulement, sans parler, car les matières sont tant ardues que les paroles humaines ne seraient suffisantes pour les expliquer à plaisir ».

Or, la dispute par signes entre Thaumaste et Panurge va constituer le silence lui-même en réalité signifiante du discours, donc le métamorphoser en objet‑signe du langage. Le silence deviendra une chose littéraire à son tour, donc un symbole. La description minutieuse des gestes des deux disputeurs fait naître sous nos yeux cet objet littéraire inouï, surgi non plus du bruit, mais de l'absence suggérée de tout son. Quel sera alors le signifiant du texte, c'est‑à‑dire la portée de la transfiguration du silence lui-même en « parole » ?

Or, il suffirait de filmer deux acteurs qui mimeraient très exactement les gestes de Thaumaste et de Panurge pour s'apercevoir de la raison pour laquelle leur « discours » exigeait le silence. Il y est, certes, question du ventre et du sexe ; mais le secret des secrets est dans la « belle pomme d'orange » qu'avant de commencer la dispute Panurge avait mis dans « un beau floc de soie rouge, blanche, verte et bleue » et « au bout de sa longue braguette ».

Or, au milieu de la dispute, « Panurge tira sa longue braguette avec son floc, et l'étendit d'une coudée et demie, et la tenait en l'air de la main gauche, et de la dextre prit sa pomme d'orange, et, la jetant en l'air par sept fois... »

Dans le Théétète, les « hommes extraordinaires » (thaumasioi andrès) sont ces pseudo‑purificateurs de l'âme dont Prodicos est le modèle. Socrate renvoie à cet homme, dont la pédagogie non transformante n'est que lavage, rinçage et « art du bain » les jeunes gens peu doués pour la vraie catharsis. La psychanalyse de Rabelais n'est pas pansexualiste, mais initiatique. La séquence filmée montrerait qu'il s'agit d'une gestuelle entière de la joie et de la tristesse, et des rapports de l'être à la paternité profonde (eschatologique) entendue au double sens du charnel et du spirituel. La « pomme d'orange » évoque l'âge d'or selon Erasme, Ficin, Pic de la Mirandole. Dans les Antibarbari d'Érasme, cet « âge d'or » correspond à la plénitude des temps qu'est l'Incarnation. Le thème de l'âge d'or est encore théologique et initiatique pour toute la Renaissance. L'espérance qu'une pax christiana universelle s'accomplirait par l'enseignement transformant des humanistes chrétiens, avec l'appui des princes, s'est séparée de l'expression « âge d or » dans la seconde moitié du XVIe siècle seulement.

On mesure ici le drame que fut, pour la Renaissance, le blocage épistémologique résultant de la naïveté anthropologique du savoir conceptuel. La théologie transformante des érasmiens ne passe point par la mortification profonde de la connaissance, faute des moyens intellectuels d'une via negationis, ou critique abyssale de la notion de vérité. C'est pourquoi l'initiation étant ainsi terminée par un silence insuffisamment abyssal, la guerre peut commencer à grand bruit – la guerre sera l'instrument même du chaos et de la refonte de la création, quand le silence n'est pas encore le signe d'une finitude et d'une déréliction absolues de la créature livrée au meurtre et au sang.

La guerre rabelaisienne suit de près les Grandes Chroniques, sorte de roman populaire dont le succès avait incité le démiurgique curé de Meudon à engendrer à son tour force géants, mais dans son ordre, et sur le modèle sapiential que lui fournit sa propre inspiration gigantale. En fait, la dimension théologale de la guerre rabelaisienne va se déployer principalement dans le Gargantua. Pour l'heure, le géant est fatigué de son combat. La guerre des Dipsodes ne vaudra pas la guerre picrocholine : « Ici, je ferai fin a ce premier livre; la tête me fait un peu de mal, et sens bien que les registres de mon cerveau sont quelque peu brouillés de cette purée de septembre. »

3 « Gargantua »

Pantagruel avait été rédigé et imprimé en quatre mois, du début d'août 1532 au 3 novembre. Gargantua parut en août 1534. Son ambition planétaire, et dans l'ordre proprement gigantal de l'écriture, sera d'engranger le plus prodigieux amoncellement de réalité verbale qui se puisse imaginer. Chateaubriand, qui, par une sorte d'instinct, a souvent pénétré dans la gestuelle cosmique des styles, s'exclamait, à propos de Bossuet : « Quelle revue il fait de la terre! » Mais la relation cosmique de Rabelais au réel, qu'il passe entièrement en revue, s'inscrit désormais dans la gestuelle d'un langage rival de la création : langage conquis en mettant au monde le prodigieux Pantagruel Opposer à la matière du monde une matière verbale, et, en quelque sorte, spirituelle; se dresser gigantalement et faire face à la masse et au flux des choses; supplanter l'univers en énormité, en complexité, en profondeur, en variété, en agilité, en ubiquité, en puissance, en démiurgie, quel songe de l'écrit! Que la parole oppose donc masse à masse, force à force ; que la vie du langage offre à l'homme non seulement un rempart, mais une cosmologie sonore, comme un immense empire! La cataracte verbale sera pourtant un exorcisme également, où le surgissement de l'éveil et la peur se confondent.

Pour le praticien de la parole gigantale, l'écrit est un outil cosmique. C'est en son corps « écrit » que l'homme gigantal est le signe de sa propre création. Il se collette avec une sorte de monde étrange : son propre corps, instrument d'une parole mêlée et confondue à l'univers. « Arracher des mots au silence et des idées à la nuit », dit Balzac. Rabelais, au contraire, arrache son propre corps à l'immersion panthéistique de la parole gigantale.

C'est pourquoi il serait illusoire de matagraboliser une belle métaphysique de l'écriture rabelaisienne, mais qui ne ressortirait pas à une anthropologie de l'écrit, à une démiurgie cosmique du langage. Seule la gestuelle vécue du corps spirituel rabelaisien, seul le corps-à-corps gigantal avec le langage, éprouvé, lui aussi, comme monde, renvoient à l'expérience existentielle de la création rabelaisienne. Chateaubriand, parlant de Bossuet a pressenti les rapports de l'écrivain avec son « corps verbal », si je puis dire. « Sans cesse penché sur les gouffres d'une autre vie [...] il se plonge, il se noie dans des tristesses incroyables, dans d'inconcevables douleurs. » Mais Bossuet ne parvient jamais à se noyer dans son propre verbe. Du reste, le bon Dieu le lui interdit. Le langage panthéistique de Rabelais évoque, par contre, la plongée d'un corps qui explorerait les terres, les mers, les montagnes, les fleuves, les ossements, les artères, les intestins, les estomacs, les boyaux culiers, les cervelles, les lois, les corps d'armée, les Écritures. Le géant « langage » plonge en toutes choses, comme une baleine dans la mer; il s'y engloutit, s'y noie, et resurgit entre deux vagues. D'où les énumérations, les répétitions, les coq-à-l’âne et contrepèteries. La parole est toute mémoire et oubli, toute corps, toute esprit ; elle est sang, eau, chair ; la parole est fécale et sublime, totalisante et inépuisable. En elle, le gigantal exorcise le grand Pan que le géant est à lui-même.

Observons donc les opérations nouvelles que le Pantagruel a rendues possibles.

La cosmologie énumérative et l'objet littéraire

« Les Propos des biens‑ivres » constituent un premier recensement : exclamations, apostrophes, mots d'ordre, jurons, invocations se succèdent. Que l'univers de la taverne s'annexe au territoire gigantal ! Mais encore faut‑il mettre en oeuvre une idée proprement littéraire : sinon, pas d'objet propre de l'art, pas d'écrit. Chaque chapitre du Gargantua illustrera donc une invention nouvelle de l'écrivain. En l'occurrence, comment constituer en objet de langage un tintement ininterrompu, et fort peu artistique, de verres et de mots dans une taverne ? « Lors flacons d'aller, jambons de trotter, gobelets de voler, breusses de tinter. » Voilà qui ne saurait suffire à rendre l'effet recherché. Commence donc l'énumération : et, au fur et à mesure qu'on y avance, la densité de l'air augmente, le bruit remplit la tête du lecteur, l'obsédant prend corps. Zola (« L'exposition de blanc »), Céline (Le Voyage et D'un château l'autre), Joyce ont puisé ici à pleines mains.

Après la parole de la boisson, voici, non moins obsessionnelle, celle du vêtement. Entrons dans le palais des Mille et Une Nuits, ouvrons la caverne d'Ali Baba. Par le moyen, fort simple, d'un récit – comment on vêtit Gargantua – , le somptueux envahit l'univers. Puis « De l'adolescence de Gargantua » exprime l'allégresse cosmique du père devant les jeux du rejeton prodigieux ‑ jeu du père avec l'univers des proverbes.

Mais voici que l'enfant grandit: il va falloir lui trouver un pédagogue, en la personne d'un adepte de cet enseignement ancien, que Socrate appelait déjà admonestatif, et qui fidèle à lui-même, consistait, au Moyen Âge, à lire des Dormi secure et des De quatuor virtutibus cardinalibus. Cet enseignement, comment le symboliser par une gestuelle de la cuistrerie, qui accéderait à l'universel du signe, et si voyante que le savoir formel y apparaîtrait en son corps parlant ? Par une symbolique des cloches et des chausses.

En effet, le pion sorbonicole sonnera les cloches, et les cloches illustreront les relations profondes de la scolastique avec le corps humain. Ancien moine, Rabelais a grande horreur des cloches. Au Cinquième Livre, les habitants de Papimanie seront métamorphosés en oiseaux‑cloches diversement accoutrés, afin de représenter les divers ordres du clergé. Mais, dans la célèbre harangue de Janotus de Bragmardo (braquemart : courte et grosse épée, d'où, symboliquement, organe viril; Bragmardo illustre la mollesse du braquemart scolastique par le q qui devient g et le t, d; Rabelais aperçoit toujours, en profondeur, les rapports de la « pensée » avec l'outil guerrier et la mangeaille), les cloches symbolisent la parole vidée de son authentique liquide séminal, et qui sonnent, dès matines, à toute volée. La parole formelle n'est jamais que parole de son propre clocher. Dans sa harangue, Janotus réclame les cloches formelles de la scolastique, qui lui ont été symboliquement volées par Gargantua à la royale braguette. La scolastique rêve seulement d' « écuelle profonde » et de « bonnes chausses » : le harangueur va se démasquer comme tueur de porc in camera. Il rêve de boire du bon vin et de lamper sa soupe. Et la satire va son train, multipliant et diversifiant avec cohérence sa symbolique, jusqu'au trait final où la pensée formelle court après elle-même comme « un aveugle qui a perdu son bâton », mais « en déclarant tout le monde hérétique ».

Le crépitement de la scolastique de la forme (de la cloche) sera évoqué au niveau du corps sec des cuistres (« Mais, nac, petitin, petitac, ticque, torche, lorne, il fut déclaré hérétique »). Ici, le génie rabelaisien accède à une profondeur visionnaire : il voit les corps mêmes de la pensée, en leur sonorité et leurs gestes. Nietzsche n'ira pas aussi loin. Car il s'agit ici d'une anthropologie eschatologique de la paresse et de action.
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