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 Le thème du silène et la philosophie

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sajaa
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sajaa


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MessageSujet: Le thème du silène et la philosophie   Le thème du silène et la philosophie Icon_minitimeMer 22 Oct - 21:00

2 « Pantagruel »

Le thème du silène et la philosophie

Dans son Prologue de l'auteur, Rabelais va droit au père et au témoin de la philosophie, pour rappeler au lecteur l'essence même du socratisme : « En un dialogue de Platon intitulé Le Banquet, Alcibiade, louant son précepteur Socrate, sans controverse prince des philosophes, entre autres paroles le dit être semblable ès Silènes. Silènes étaient jadis petites boites telles que voyons de présent ès boutiques des apothecaires, peintes au-dessus de figures joyeuses et frivoles [...] Mais au dedans l'on réservait les fines drogues. »

Il s'agit donc du plus prodigieux pari qu'ait jamais tenté un écrivain : le pari que son livre sera ouvert comme un silène et que le lecteur y trouvera « baume, ambre gris, amomon, musc, civette, pierreries et autres choses précieuses [...] Pour autant que vous, mes bons disciples et quelques autres fous de séjour lisants les joyeux titres d'aucuns livres de notre invention, comme Gargantua, Pantagruel, Fessepinte, La Dignité des braguettes, Des pois au lard cum commento, etc. jugez trop facilement n'être au dedans traité que moqueries, folâteries et menteries joyeuses, vue que l'ensigne extérieur (c'est le titre) sans plus avant enquérir est communément reçue à dérision et gaudisserie. Mais par telle légièreté ne convient estimer les oeuvres des humains ».

La biographie de l'écriture

Pour ouvrir le silène, il faut ouvrir d'abord le Pantagruel, qui figure après le Gargantua dans toutes les éditions. Le prétexte invoqué par les éditeurs est l'ordre chronologique dans lequel les générations imaginaires se sont succédé : Gargantua est en effet le père de Pantagruel ; mais il se trouve que le Pantagruel (1532) fut rédigé et publié avant le Gargantua (1534), de sorte que c'est le fils qui a engendré le père. Or, la biographie fondamentale, celle de la création littéraire, doit retracer le véritable tao, celui d'un déploiement organique de l'oeuvre. Lire Rabelais dans l'ordre de succession « biologi­que » entre des figures n'aboutit qu'à subs­tituer les fictions issues d'un état civil de fantaisie à la véritable génération de la création, donc à la chronologie vécue de l'écriture. De plus, l'oeuvre entier de Rabelais est une odyssée métaphysique de la parole. Céline, Joyce et même Mallarmé seraient inconcevables si le formidable ébranlement rabelaisien ne s'était pas produit. Ce serait donc passer outre à la réalité même de l'entreprise que d'écouter son long tremble­ment de terre selon une chronologie de l'irréel, qui serait bien plus irréaliste, dans sa platitude, que celle de la maïeutique d'un langage initiatique. « C'est essentiellement à partir du livre de Jérôme lui-même que nous courons sur la trace de Jérôme » (Érasme).

La paternité gigantale

Les rapports de Rabelais avec le langage sont de l'ordre d'une extraordinaire et gigantale paternité, qui semble avoir jailli soudain à l’occasion d'une paternité charnelle. Tristan Tzara a retrouvé trace d'un fils de notre Silène, qui naquit précisément au moment de l'explosion créatrice du Pantagruel et du Gargantua. Il ne s'agirait pas du second fils du curé de Meudon, le très fameux Théodule (« adorateur, de Dieu »), qui mourut à l'âge de deux ans, pleuré par les personnages les plus célèbres, cardinaux en tête.

Le Pantagruel et le Gargantua sont un immense magnificat de la paternité : avec quel élan Rabelais chante la naissance de son fils spirituel, alors que la mère est morte en couches! La paternité aussi est un silène. Car c'est à titre de géant du langage que Rabelais est père; dans toute l'oeuvre, le véritable géant ne sera autre que la parole, issue d'un extraordinaire géniteur et explorateur du sonore. Rabelais sera le pédagogue transcendantal d'une aventure gigantale de l'écrit.

D'emblée, ce sera donc au niveau du silène que sont les Saintes Écritures que Rabelais se haussera, par délégation enchanteresse du moi de l'écrivain. Le géant nommé « écriture » raconte joyeusement la naissance enchantée de son fils, sur le mode des généalogies fabuleuses de la Bible : « Et le premier fut Chalbroth [...] Qui engendra Saraboth [...] Qui engendra Fariboth [...] Qui engendra Hurtaly, qui fut beau mangeur de soupes et régna au temps du déluge... »

Entrons corps et âme dans la liesse cosmique des noces de la parole avec la généalogie rieuse et fantastique ! Car l'Ancien Testament est une arène trop étroite. Voici Atlas, qui engendra Goliath, et Goliath, Polyphème : les géants profanes se voient tous appelés à prendre leur juste place dans la ronde de l'engendrement gigantal.

La théologie dite poétique (Chateaubriand, Claudel) se cherchait alors son symbolisme ontologique dans la redécouverte du symbolisme des Pères grecs : il s'agissait, comme chez les théologiens qui préparèrent Vatican II, de savoir si la théologie était vraie parce que belle, ou bien belle parce que vraie. Dans la Ratio verae theologiae, Érasme s'était efforcé de déterminer le statut de l'allégorie, donc des images et figures du silène de la théologie qu'est l'exégèse. Pour Rabelais, auteur d'une « nativité du très redouté Pantagruel » (chap. II), il s'agissait du rapport de la parole avec l'image, son berceau. Or Pantagruel « mit son dit berceau en plus de cinq cent mille pièces d'un coup de poing qu'il frappa au milieu par dépit, avec protestation de jamais retourner ».

Car le « berceau » cérébral était alors tout extérieur : c'était la scolastique. Dans la Ratio, Érasme s'était demande si l' « initiation aux mystères » et l'entrée dans le « temple de la sagesse » exigeaient qu'on passât par la « palestre scolastique ». Dans le Cinquième Livre de Rabelais, les salles traversées par les néophytes en route vers l'oracle de la dive bouteille évoqueront, comme chez Érasme, une théologie des mystères initiatiques et de la prophétie. La doctrine est la connaissance spirituelle des mystères, donc du contenu du silène, chez Rabelais comme chez Érasme ; la théologie est identique à l'initiation et c'est en quoi elle est transformante. Son sommet est le passage de la « science de la sagesse » à la prophétie. Celle‑ci s'exprime par la musique. Le Christ est le citharede mystique, dont David est le précurseur. Le Christ module, suivant des rythmes poétiques, toute l'Écriture de l'Ancien et du Nouveau Testament. Erasme avait repris à Socrate l'idée que la philosophie est la musique suprême : la théologie chrétienne est la musique transformante. Dans le Cinquième Livre, Rabelais fera entrer ses néophytes dans le délire bachique et poétique – et les voyageurs recevront le don de prophétie. Tout cela est calqué sur la théologie transformante de Ficin, Pic de la Mirandole et des néoplatoniciens, qui n'avaient fait que retrouver exégèse des Pères grecs et du haut Moyen Âge.

On comprend pourquoi la méconnaissance à l'égard de la théologie antérieure à saint Thomas, et à l'aristotélisme théologal, a rendu incompréhensibles, dans nos écoles, la dimension initiatique du Tiers, du Quart et du Cinquième Livre, et le sens même du voyage de la flotte pantagruéline vers le mot suprême : « bois » (l'ultime contenu du silène, c'est la métamorphose, que l'alchimie symbolise sur le plan matériel, comme Jung l’a fort bien vu).

Mais le berceau de la scolastique ne sera pas pulvérisé par l'anthropologie innocentiste et édéniste. Depuis la Renaissance, la pensée occidentale s'épuisera à lutter contre les « principes métaphysiques » de la scolastique, en recourant à des « catégories historiques » non moins superficielles que le conceptualisme pseudo‑ontologique des thomistes. C'est lutter encore contre les « figures joyeuses et frivoles » qui font l'extérieur du silène. La brèche anthropologique ne sera ouverte que par une critique fondamentale du sens commun et du principe d'identité, qui ouvrira à une anthropologie profonde, capable de rendre compte du règne du meurtre et du sang dans l'Eden de la raison... Or, c'est l'histoire même de la raison occidentale qui s'inscrit dans les relations de Rabelais au langage, donc au concept meurtrier, les mots étant les instruments nécessaires de l'abstraction. Le Pantagruel sera une pédagogie des rapports de la parole au silence et au bruit.

Le naturel et l'universel

Alors commence un profond et mystérieux voyage, où l'on peut suivre, pas à pas la sorte de problèmes anthropologiques et littéraires que rencontre un écrivain qui rassemble, pas à pas, toute sa création dans ses « saintes écritures » gigantales. Ce qu'une telle entreprise présente, à la réflexion, d'inouï en sa portée « surréaliste » exige un examen, même sommaire, des étapes d'une cosmologie du langage.

D'abord (chap. VI), il s'agit de dire ce qui sera français et ce qui ne le sera pas. La langue française était fort pauvre; il fallait, à l'imitation des Romains, l’enrichir de grec ; mais aussi de latin, puisque les Gaulois ont deux mortes à piller. Mais comment ne pas faire perdre leur originalité aux naufrageurs ? L'anecdote de l'écolier limousin répondra à cette première question, la plus fondamentale, celle des cimetières, et des promeneurs qu'on peut y rencontrer le dimanche. On ne dira pas : « Nous déambulons par les compites et les quadrivies de l'urbe. » Pantagruel prend à la gorge cet « assassineur » en lui disant : « Tu écorches le latin », rappel au respect des morts. De terreur, l'étudiant se met tout soudain à « parler naturellement ».

Mais qu'est‑ce que le « naturel » ? Le naturel va‑t‑il passer du cimetière à l'académisme ? Le naturel est sommé de produire le feu d'artifice rabelaisien. Le mystagogue du langage le sait fort bien, qui évoque Cicéron tout de suite après le tombeau, en adressant à son fils Pantagruel une lettre où il lui dit : « Très chier fils, entre les dons, grâces et prérogatives desquelles le souverain plasmateur Dieu tout‑puissant a endouairé et aorné l'humaine nature à son commencement, celle me semble singulière et excellente par laquelle on peut, en état mortel, acquérir espèce d'immortalité, et en décours de vie transitoire, perpétuer son nom et sa semence » .

Pour conquérir le « naturel », il faut donc d'abord nationaliser les langues : le « naturel » ne sera pas planétaire. Pantagruel rencontre donc Panurge (Panourgoz, littéralement : « apte à tout faire »). Ce diable d'homme parle toutes les langues de la terre ; mais c'est pour crier famine qu'il apostrophe Pantagruel en tous idiomes imaginables, du turc à l'allemand, de l’anglais au germanique, sans oublier le grec, le latin et l'hébreu.

Mais sitôt le naturel enfin géographiquement cerné, que faire de la fête du sonore ? Comment distinguer le bruit du sens ? Pantagruel va donc « juger équitablement » d'une controverse merveilleusement obscure et difficile entre les seigneurs de Baisecul et de Humevesne.

Qu'on se représente l'audace et la puissance de cet extraordinaire épisode, où le langage se met à retentir tout seul, renvoyant le lecteur à l'inutilité et à la stérilité sans remède de son cliquetis sans fin. Au XXe siècle, La Cantatrice chauve renouvellera cette démythification radicale de la parole. Dans le Quart Livre, le sonore sera même mis en conserve et gelé; il ne dégèlera qu'au printemps suivant, pour restituer le cliquetis des armes sur un champ de bataille horrifique du sonore de l'année précédente. Voilà l'univers livré au retentissement d'une multitude de canaques baragouineurs; les moines seront comparés à des singes marmonnants. Swift grimace amèrement parmi ses Yahoos, mais Rabelais de s'esbaudir, en géant véritable!

Quand les deux plaideurs et seigneurs de Baisecul et de Humevesne ont donc éjaculé leur bredouillis mirifique, Pantagruel tranche le procès sur le même ton, avec un sérieux imperturbable : « Que considéré l'horripilation de la ratepenade déclinant bravement du solstice estival pour mugueter les billevesées... »

Mais comment un tel exploit du langage va‑t‑il retrouver la terre ferme ? Ne restera‑t‑il pas à jamais suspendu dans les airs ? Nenni : entendant cet arrêt, les parties s'en montrèrent contentes, sans doute parce que le prononcé commençait et se terminait sur les deux seules phrases intelligibles : la première disait que les plaideurs avaient été entendus et compris; la dernière disait: « Et amis comme devant, sans dépens, et pour cause. » Les conseillers et docteurs « demeurèrent en extase, évanouis bien trois heures et tout ravis en admiration », car ils n'avaient jamais encore de leur vie vu les deux parties satisfaites d'un jugement.

Après les morts et les académies, voilà donc le « naturel » du langage transporté à l'écart du texte – et c'est à l’écart que règne la forme vraiment universelle du vrai, à savoir le signe. En effet, la chose proprement signifiante ici venue au monde n'est autre qu'un certain objet « d'art gigantal », construit strictement sur le sonore, le sens Pantagruélique se trouvant ailleurs que dans les mots du texte proprement dit, et en dehors de son « réfléchi » sonore – de sorte que le texte tout entier est signe, et se met à faire signe vers son sens au coeur du non-sens qui le constitue en objet littéraire. Autrement dit : l'objet le plus merveilleusement signifiant, c'est le non-sens même du langage. Le texte s'éclaire précisément lui-même en tant que signe de son propre langage de sourd, car c'est en tant que sourd que l'objet littéraire est constitué en signe. Que le non-sens du discours devienne donc une réalité signifiante dans l'univers de l'art gigantal, donc un signe vivant, voilà ce qu'aucun écrivain en aucune langue n'avait encore jamais seulement imaginé. Mais, en même temps, tout l'extérieur du silène est anéanti
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